Le massage

Les mains glissent lentement sur ma peau, ancrées, présentes.
Leur chaleur s’infiltre en moi, réveille les strates profondes de mon corps,
celles que je ne touche jamais vraiment,
celles qui retiennent en silence tout ce que j’ai vécu.

D’abord, il y a la tension.
Les muscles résistent, comme une terre sèche qui refuse la pluie.
Mais les gestes sont patients.
Ils insistent, ils insèrent une brèche, un souffle.
Alors, quelque chose lâche.

Et soudain, tout remonte.
Une vague monte du creux de mon ventre.
Pas une douleur, pas un choc,
mais une émotion brute, immense.
Comme si mon corps s’ouvrait d’un coup,
laissant s’échapper ce qui s’était tapi sous ma peau depuis si longtemps.

Les souvenirs ne surgissent pas en images nettes,
mais en sensations, en fragments.
Un regard aimé, une étreinte oubliée,
le poids d’une absence,
la chaleur d’un matin d’été sur ma peau d’enfant.

Mon passé est là,
lové dans mes tissus,
dans mes muscles,
dans mes nerfs.

Les mains appuient sous mes omoplates,
et c’est une porte qui s’ouvre en moi.
Je ressens l’amour que j’ai reçu,

celui que j’ai donné,
et celui que je retiens sans le savoir.

Sous la pression, ma poitrine se soulève plus amplement.
Ma respiration s’élargit, gagne du terrain.

Et dans cet espace agrandi, une étrange lucidité s’installe :
je suis faite de tout cela.
De tout ce qui a été.
De tout ce qui est.
De tout ce qui sera.

Le temps n’est plus linéaire.
Il danse.
Il se plie.
Il respire en moi.

Je ressens l’enfant que j’ai été,
insouciante et fragile.
Je ressens la femme que je suis,
ancrée et mouvante à la fois.
Et je perçois celle que je deviens,
celle qui se dessine,
celle qui attend dans l’ombre du présent.

Les mains glissent à nouveau sur mes bras,
descendent le long de mes poignets.
Un frisson.
Comme si tout se rassemblait enfin.
Comme si tout ce qui m’a construite trouvait sa juste place.

L’instant est vertigineux.
Et il est doux.

Ma peau frissonne une dernière fois.
Puis tout se calme.

Le massage touche à sa fin,
mais en moi,
quelque chose vient seulement de commencer.

//

Originally written in French —
what follows is a soft echo, not a translation, but a resonance.

The Massage

The hands move slowly across my skin — grounded, present.
Their warmth seeps in, awakening deep layers I never truly reach.
The places where memory hides in silence.

At first, there is tension.
My body resists, like dry earth refusing rain.
But the hands are patient.
They insist, they breathe space into the tightness.
Something softens. Something lets go.

And suddenly, it rises.

Not pain. Not shock.
But a raw, immense emotion —
as if my body had split open
and what had lived quietly beneath my skin
finally exhaled.

The memories don’t come in images,
but in sensations —
a beloved gaze,
an embrace long gone,
the ache of absence,
the sun on my childhood shoulders.

My past is there — woven into tissues,
wrapped around my spine,
curled beneath my ribs.

Pressure under my shoulder blades,
and a door swings open.
I feel the love I received.
The love I gave.
And the love I’ve been holding back, without knowing.

My breath deepens.
My chest expands.
And in that widening,
a strange clarity takes root:
I am made of all this.

All that was.
All that is.
All that waits to be.

Time folds. It spirals.
It breathes inside me.

I feel the child I was — tender, unafraid.
I feel the woman I am — grounded, shifting.
And I glimpse the one I am becoming —
emerging from the shadow of now.

The hands move again —
down my arms, along my wrists.
A shiver.
As if everything inside me
had finally come home.

The moment is dizzying.
And it is soft.

The massage ends.
But something in me
has only just begun.

Let the next fragment find its way to you.

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