Ce que je ne dirai pas

Ce soir,
je réalise combien je me sens seule.

J’aimerais te dire que je suis fatiguée,
perdue,
que la solitude me pèse,
que je n’arrive pas à avancer.

À poursuivre ce jeu dont les règles m’échappent,
emportée dans une parade interminable,
bousculée, poussée, piétinée
dans le sens imposé par une foule en marche —

alors qu’en moi,
quelque chose résiste,
un souffle fragile,
un élan contraire.

Ce matin, au marché,
quelqu’un m’a demandé :
« Comment ça va ? »

J’ai souri.
« Ça va. Super. Il fait beau, non ?
C’est fou ce soleil. »

Et j’ai laissé mes mots flotter,
comme un mensonge bien rodé.

En vérité,
j’aimerais m’asseoir à côté de toi,
te rejoindre sur ce banc.

Que tu me demandes, sincèrement :
« Comment vas-tu ? »

Et te répondre enfin :
« Je suis fatiguée.
Je suis anxieuse.
Je suis perdue. »

Te dire que je ne comprends pas ce que je fais ici,
dans ce monde,
dans cette mascarade absurde.

J’ai besoin que tu m’écoutes.
Que tu me comprennes.

J’ai envie de te comprendre aussi —
de sentir que je ne suis pas seule
dans ce chaos silencieux.

Et pour une raison que je ne sais expliquer,
c’est vers toi que je voudrais aller,
te confier tout ça.

Je ne te connais pas.
Et je ne viendrai pas.
Je ne te dirai rien.

Je m’inventerai cette scène,
dans un recoin de mon esprit —
et cela suffira,
un instant,
pour me réconforter.
Pour continuer à jouer.

//

Originally written in French —
what follows is a soft echo, not a translation, but a resonance.

What I Won’t Say

Tonight, I realize just how alone I feel.
I wish I could tell you that I’m tired — lost.
That the weight of solitude is heavy.
That I can’t seem to keep moving forward.
That I’m caught in a game whose rules I don’t understand,
dragged along in an endless parade,
pushed, nudged, trampled
in the direction chosen by a faceless crowd —
while something inside me resists.
A fragile breath.
A quiet rebellion.

This morning, at the market, someone asked:
“How are you?”
I smiled.
“Good. Great. Isn’t this sunshine crazy?”
And let the words drift off,
like a lie I’ve told too many times.

What I really wanted
was to sit next to you.
To join you on that bench.
For you to ask, sincerely:
“How are you, really?”
And to finally say:
“I’m tired. I’m anxious. I’m lost.”
To tell you I don’t know what I’m doing here —
in this world, in this absurd masquerade.

I need you to listen.
To understand.
I want to understand you too.
To feel, just once,
that I’m not alone
in this silent chaos.

And for some reason I can’t explain,
it’s you I want to say it to.
To tell all of this.

But I don’t know you.
And I won’t come.
I won’t say a word.
I’ll just imagine the scene
in some quiet corner of my mind —
and for a moment,
that will be enough.
Enough to keep pretending I belong.

Let the next fragment find its way to you.

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